Allocution
de Max Meric au nom de l'amicale des anciens du 301/50.
Au nom du Président de l’amicale du 301/50 et de nous tous. Au nom du Président de la 1236° section des médaillés militaires et de ses membres.
Lorsqu’un compagnon nous quitte brutalement, nous nous trouvons désemparés et nous ne pouvons admettre que si hier il était, aujourd'hui’hui, il n’est plus : c’est pourtant une leçon constante de savoir que dans nos vies, il est souvent bien plus tard qu’on ne le croit. Ce mercredi 7 mai, Bernard THOMAS nous l’a cruellement rappelé.
Né le 15 décembre 1943 à Limoges, il ne savait pas qu’en s’engageant en 1963 à l’école d’artillerie à Nîmes, cela le conduirait à finir parmi nous ses jours à Schwenningen; et pourtant...
Muté à sa sortie au 301° G.A. à Villingen, c’est là qu’il se mariera et que naîtront ses enfants. Il y établira sa vie familiale et si en 1970 il quittera la garnison pour les affectations successives de Châlons, Friedriechshafen, Valence et Phalsbourg, il reviendra définitivement se fixer en Allemagne en 1982 au terme d’un parcours militaire de dix neuf années: dorénavant, il vivra à Schwenningen et à l’exception de deux années au foyer de garnison, il ne travaillera plus qu’en secteur allemand. Après plusieurs emplois, c’est finalement à Tuttlingen, chez Storz, qu’il se réalisera pleinement, pour ne quitter cette grande maison que fin 2008 à l’âge de 65 ans, encore qu'à temps partiel, il continuait d’y servir. Au mois d’avril, quelques semaines avant sa mort, il y était encore présent.
Mais la vie de Bernard ne fût pas aussi lisse que pourrait le laisser penser ce court exposé. En 1993, après une longue maladie, son épouse décédera à peine âgée de cinquante-trois ans. Ce sera pour lui une épreuve dont les stigmates vingt ans après étaient toujours présents. Les vicissitudes de la vie professionnelle l’avaient aussi marqué: de ces épreuves et d’autres il en tirait une leçon de vie faite d’un fatalisme circonspect: s’il restait muet, il n’en était pas dupe pour autant.
Puis un jour il rencontrera Andréa, sa compagne de tous les jours et ce sera pour lui un véritable renouveau. Ils formeront un couple uni et je peux en témoigner, cette union, au dernier jour de Bernard, était toujours aussi forte. Il y puisait une aide précieuse et savait qu’il pouvait compter sur Andréa. Lorsque la maladie deviendra plus prégnante, au point de concevoir le pire, il trouvera dans cette union une source de réconfort qui ne se démentira pas. Qu’elle en soit remerciée. Qu’elle en soit grandement remerciée, les derniers moments de Bernard en ont été adoucis.
Et pour nous, ses amis, quel homme, quel camarade fût-il ? Tout d’abord un homme de devoir. Nous ne pouvons oublier qu’en tant que secrétaire des médaillés militaires, il s’y est toujours consacré pleinement sans jamais ménager ses efforts. Et c’est Andréa qui une fois encore le suppléera au point de devenir l’âme de notre amicale. Nous avons toujours su compter sur vous deux pour organiser, embellir, enrichir de votre travail ces moments oh combien conviviaux qui ont donné sa tessiture à notre section. Mais aujourd’hui Bernard, tu n’es plus là, tu laisses bien seule Andréa et notre section s’en trouve désemparée.
Le devoir toujours, quand tu reprendras avec moi et après Jean-Paul LEROY, lui aussi trop tôt disparu, le secrétariat de l’amicale du 50° R.A. pour y donner toutes tes capacités et j’ose le dire ton talent afin de donner à nos biennales tout le lustre nécessaire. Qu’aurais-je fait sans toi ? Que ferai-je en septembre 2014 sans toi ? Je n’ose y penser tant cela m’émeut.
Le devoir encore quand tu collectionnais, quand tu participais, quand tu aidais afin d’instruire dans les diverses associations que tu fréquentais: J’ai toujours senti chez toi le désir de se perfectionner et ce en toutes disciplines. Pour autant, tes apports étaient toujours latéraux, ne voulant jamais être aux premières loges. Ta modestie a fait que tu ne voulais pas diriger mais soutenir et pour l’avoir éprouvé moi-même, je t’ai toujours vu aussi efficace qu’effacé. Ce sont là des qualités assez rares pour ne pas être hautement appréciées.
Et pour moi qui fût ton ami, que te dire sinon ma sidération de te voir emporté à seulement soixante-neuf ans. De combien de discussions, de randonnées, de repas, de voyages et de projets communs, ton départ me prive ? Nous avons tant fait ensemble. Te souviens-tu quand tu m’as accompagné à Montpellier et en Lozère: c’était en décembre et déjà, nous pensions repartir. Te souviens-tu encore quand il y a deux ans, nous avons voulu chausser les bottes de notre jeunesse dans un raid de plus de soixante kilomètres à travers les paysages qui avaient enchanté notre jeunesse militaire? Sur les pentes du Feldberg, nous avons souffert mais tenu. C’était un sacré pari, mais ensemble avec l’ami WEISSLER, nous avons réussi. Mais je sais aussi que ces deux jours là, tu étais allé au bout d’un effort surhumain et que tu avais dû admettre les limites que la maladie te fixerait désormais. Tu n’en avais rien dit, mais nous l’avions deviné et maintenant me vient le regret de n’avoir pas été assez attentif au mal que tu dissimulais : nous aurions dû ralentir afin que dans l’effort qui brise et la paix qui vient, nous consommions ensemble le chant du monde. Cela me hantera longtemps et peut-être même jusqu’à la fin.
Alors pour tout cela, pour tout ce que tu m’as donné, pour tout ce que nous avons partagé, je ne peux que te dire merci. Montaigne aurait dit : « parce que c’était lui, parce que c’était moi… ». Je dirai simplement parce que c’était nous. Et tous ceux qui sont ici, Andréa, tes enfants, ta famille, tes camarades peuvent également le dire; parce que c’était nous. La mort peut bien nous séparer mais elle n’abolira pas ce nous par lequel tu continueras à habiter nos mémoires. En continuant à te parler, à t’invoquer, à te questionner, nous ne te perdrons pas. Il est des compagnons de route dont l’indicible présence demeure alors qu’ils nous ont quittés. Tu es de ceux-là. C’est dire que même affranchi de la vie, tu ne saurais disparaître du cortège des présents. Alors dans l’espérance d’un chemin à venir et dans la prière des vivants aux morts, nous te disons simplement: à bientôt. |