Le 16 Juin 940 à Houville la Branche

Lorsque Francis Moncelet s'est inscrit à l'amicale je fus intrigué par son adresse: rue du 16 Juin 1940. Ignorant quel événement eut lieu à cette date je lui posais la question. Pour notre enseignement il nous en fait ce récit.

En Mai 1940, la bataille des Flandres est perdue, le 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens, commandé par le colonel Bassères, qui montait la garde à la frontière de Tripolitaine en Tunisie, est appelé d'urgence en France. Il embarque le 24 Mai à Marseille et sitôt débarqué est amené dans la région de la Brie. Il est immédiatement engagé et va occuper les rives de l'Oise. Les pertes sont sévères, mais l'ennemi est contenu aussi longtemps que dure sa mission de sacrifice. Après quoi commence la retraite pénible vers la Loire, au cours de laquelle il reçoit l'ordre d'infliger de fréquents coups d'arrêt à l'ennemi. Celui-ci est arrêté, mais déborde le Régiment à droite et à gauche. A Rambouillet, le 4e RTT est encerclé mais se dégage en forçant la ceinture ennemie, jusqu'à Ablis (une quinzaine de km à l'ouest de Chartres). Il doit alors "résister sur place", les 2° et 3° bataillons autour d'Ablis vont être disloqués, le 4° bataillon devant Houville la Branche va en 5 heures de combat perdre 51 tués et 92 blessés.
A Houville les trois compagnies de voltigeurs, les compagnies d'appui et de commandement du bataillon, accablées par l'artillerie, attaquées par quatre bataillons d'infanterie et par des véhicules blindés allemands résistèrent de 12 à 17 heures.
Le régiment continuera à se battre jusqu'à l'armistice du 22 juin 1940: 90% de son effectif a été mis hors de combat, mais dans la défaite, il a gardé l'honneur intact et reçoit une citation à l'ordre de l'Armée, sa septième palme au drapeau. Voir ici l'historique de ce glorieux régiment.

Après la bataille le maire du village aidé des habitants identifiera les corps des tirailleurs morts. Chaque corps fut recouvert de terre et entouré de quelques planches délimitant la place à respecter lors des moissons qui arrivaient.
Au printemps 1941 quelques habitants décidèrent de relever les corps qui étaient resté sommairement  recouverts et de créer un cimetière militaire toujours présent aujourd’hui.
De Mars à Mai 41 les exhumations commencèrent et les dépouilles furent enterrées sur un terrain donné par le châtelain. Paul Moncelet, le grand-père de Francis, et le garde champêtre se dépensèrent sans compter pour créer ce cimetière. Sur les tombes, au nombre de 48, de simples croix de bois furent plantées et des casques déposés.

Commence alors, par tous les habitants du village, un véritable culte du souvenir.
En particulier chaque jeune fille avait l’entretien d’une tombe quelle fleurissait.
En novembre 1945 le corps d’un soldat tunisien sera transféré au Mont Valérien au mémorial de la France combattante.
En 1960 les restes de l’Aspirant Chevrier survivant du combat et tué en Indochine ont étés ramenés au cimetière  lors d'une cérémonie.
En 1965, à la demande du conseil municipal qui l’avait demandé depuis 1959, est accordée « par mesure tout à fait spéciale » l’implantation définitive du cimetière à Houville alors que les sépultures des villages voisins sont, elles, regroupées à Fleury les Aubray (banlieue d’Orléans).
En 1978, la rue du 16 Juin 1940 est inaugurée près du cimetière militaire. Francis Moncelet originaire du village y avait  construit sa maison en 1976, le hasard a fait qu’il fut  le premier à cette adresse.
En 1983 le cimetière fut rénové  avec la pose de croix pour les chrétiens et de stèles en pierre pour les musulmans. Y reposent un capitaine, des officiers, des s/officiers et soldats tous venus de Tunisie qui ne vécurent que moins d’un mois sur le sol qu’ils étaient venu défendre.

Chaque année une cérémonie du souvenir a lieu le dimanche suivant le 16 juin en présence des autorités locales civiles et militaires ainsi que de nombreux drapeaux d'anciens combattants. 


Bien modestement, de ces événements il y a deux remarques à faire, la première est que ce qui restait des troupes françaises se battit jusqu’à l’armistice pour essayer d’enrailler l’avance allemande, certes bien inutilement mais au prix de 1500 à 2000 tués par jour, et cela beaucoup de gens l’ignorent; la seconde est que les habitants d’Houville nous ont donné une leçon de civisme patriotique et de dévouement envers ceux qui sont morts en défendant leur village.

 

Le cimetière et les porte-drapeaux au cours de la cérémonie annuelle.