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Les spécificités de la B.S.S.

Cette page a été écrite grâce aux souvenirs d'anciens du 301° G.A.: Jacques HAVEL qui finit son service militaire comme brigadier/chef, Daniel GABAS maître-chien, appelés sous les drapeaux en 1965, de Bernard THOMAS jeune sous/officier et ancien guide du convoi de la B.S.S. en 1966 et de Jean-Pierre GUIGONIS pour la documentation.
Jusqu'à l'été 1966, la Batterie de Sécurité et de Soutien avait deux missions principales, la garde du dépôt d'armes nucléaires américain et l'approvisionnement en armes de la batterie de tir par sa section de transport qui formait "le convoi". Lorsque la France quitta l'OTAN, les américains fermèrent et évacuèrent les dépôts et seule sa deuxième mission resta.

La garde au dépôt: Pour ceux qui auraient connu les dépôts Pluton, ceux des Honest-John étaient loin d'avoir leur sophistication ou même leur confort relatif, ils étaient sommaires et rustiques.
Le dépôt était divisé en deux zones, une extérieure, gardée par les français et une zone intérieure exclusivement américaine où se trouvaient les silos des têtes. Les français n'avaient aucun droit de regard sur cette zone et encore moins sur son contenu.
Le dépôt était situé à quelques kilomètres des casernes, hors de toute zone habitée, en plein bois pour celui de Villingen.
Sa forme était rectangulaire avec un mirador à chaque angle plus un poste de sentinelle à chaque grand côté. Son enceinte extérieure, non électrifiée, était constituée d'un grillage de 3 mètres de haut surmonté de fils de fer barbelés, l'enceinte intérieure de même nature, possédait un système d'alarme propre aux américains. Le terrain était dénudé sur une trentaine de mètres tout autour du dépôt.
Quatre sections de garde se remplaçaient quotidiennement. Chaque section était constituée d'un chef de section, d'un adjoint, d'un opérateur radio, trois brigadiers de relève et de dix-huit sentinelles.
Un maître-chien se trouvait également au dépôt avec un rythme de relève par entente directe entre maîtres-chiens.
Le poste de garde était constitué par un bâtiment en dur comprenant les chambres du chef de section, de son adjoint, du maître-chien et du radio, une pièce servant de bureau et un réfectoire. Les dortoirs se trouvaient dans 2 demi cylindres en tôle, sans fenêtres mais avec une bonne isolation, le sol y était pavé. Un grand poêle à fuel y assurait un chauffage suffisant même par les températures hivernales de la Forêt-Noire. Il n'y avait pas de cuisine, les repas étant amenés du quartier.
Les liaisons avec l'extérieur étaient réalisées par un téléphone sur le réseau allemand, un téléphone de campagne en ligne directe avec la B.S.S. et un autre en liaison avec les miradors. Ces moyens étaient renforcés par un poste radio ANPRC 9 à antenne parapluie en liaison avec la permanence radio de la B.S.S.

Le groupe d'intervention: Destiné à renforcer la garde du dépôt en cas de problème, le groupe d'intervention devait en 3 mn avoir embarqué avec armes et munitions et en 30 minutes avoir rejoint le dépôt. Les exercices étaient fréquents  bien que rarement menés jusqu'au bout.
Habituellement celui qui déclenchait l'alarme (le capitaine ou le chef de l'intervention ) vérifiait si les hommes avaient embarqué dans le temps imparti et l'alerte s'arrêtait là, si le temps était clément le groupe était parfois véhiculé jusqu'au dépôt.
Pendant la journée il était facile de respecter les délais d'alerte mais il n'en était pas de même la nuit. Voici la technique décrite par Jacques Havel: "mais là la technique était rodée, les bleus  eux restaient debout encore en tenue  encore un peu après l'appel, mais en voyant comment faisaient  les  anciens ils assimilaient vite  la méthode. Avant de se coucher en slip et en  tee-shirt, (alors que les champions mettaient leur pyjama) on mettait les chaussettes dans les poches latérales du pantalon de treillis, qui était posé au bout du lit. Au moment de l'alerte on enfilait dans l'ordre la chemise, le pull (en hiver), le pantalon, les rangers sans les lacer et en ne fermant qu'une boucle et pour finir la veste. On prenait son casque, on mettait son ceinturon en descendant l'escalier en courant, enfin on passait prendre son arme dans le local à coté du service de semaine de la BSS. Les premiers arrivés se chargeaient des caisses de munitions. Une fois installés dans le camion débâché sur les cotés, il était toujours temps d'enfiler les chaussettes, de lacer les rangers et de boutonner le treillis."
Après le 4 juillet 1966 date où les soutes ont été vidées par les américains,  Jacques Havel a pu y entrer. Il a été déçu car il n'y avait rien d'extraordinaire, c'était un simple local vide: "On aurait dit une cave".


Les antennes de communication U.S.
Les silos U.S.

La motopompe du dépôt.
Avec les lunettes Havel.
En arrière plan un dortoir.

Havel devant les portes de la zone U.S.à droite le chemin de ronde..

La section sécurité-convoi: Cette section, unité de transport, avait pour mission d'alimenter en roquettes  le Groupe Honest-John après épuisement de la dotation initiale. Sa capacité de transport était de 8 coups complets (têtes et moteurs). Elle percevait les armes auprès des dépôts arrières (formés par le 351 G.A.) pour les livrer aux S.M.L. Sa mission se déroulait principalement de nuit pour échapper aux vues.
La colonne formée par le convoi se composait:
- D'un Sous/officier appelé guide du convoi escorté d'un groupe de combat. Il devançait le convoi de 500 à 1000 mètres afin de reconnaître la viabilité et la sécurité de l'itinéraire. Transportés par une jeep et une camionnette (Unimog) ils étaient en liaison radio avec le chef de convoi par une fréquence interne.
A l'arrêt le groupe de combat assurait la sécurité rapprochée du convoi.
- D'un chef de convoi (Lieutenant adjoint de la BSS) avec une Jeep et des moyens radio lui permettant d'avoir les liaisons internes avec ses adjoints et avec le Groupe H.J. lorsque les distances n'étaient pas trop grandes.
Le transport s'effectuait par:
- Six camions de transport des têtes en caisses métalliques. Deux camions circulaient à vide en cas transbordements d'urgence
.
- Quatre semi-remorques pouvant contenir chacun deux moteurs en caisses plus un tracteur de secours.
- Un camion grue CLD pour le chargement et le déchargement des caisses.
- Un camion portant un shelter contenant un poste radio appelé 3-9-9, travaillant en modulation d'amplitude et en mode télégraphique. Ce poste était destiné à assurer la liaison longue distance avec l'ECL ou les dépôts arrières. Il était alimenté par un groupe électrogène tracté par le camion. L'utilisation d'un tel moyen radio ne pouvait se faire en roulant.
-  En queue de convoi se trouvait sur jeep un Sous-officier serre-file, en principe le sous/officier auto de la batterie, dont la mission principale était de renseigner le chef de convoi de la bonne marche de la colonne et de procéder à de petites réparations.
Le commandant d'unité se serait trouvé en temps de crise à l'ECL pour prendre et diffuser les ordres relatifs au convoi et pour gérer ses sections de garde car le dépôt U.S. aurait été vidé. En service en campagne le Commandant du Groupe H.J. lui donnait en général toute latitude pour organiser son exercice de roulement n'imposant que des horaires de livraison aux S.M.L.
En ce qui concerne l'instruction, les conducteurs et les chefs de bord étaient particulièrement sensibilisés au respect des distances et à la surveillance du véhicule qui les suivaient.

Le convoi perception: Ce convoi avait une fonction "temps de paix", il était destiné à l'approvisionnement ou au retrait d'armes du dépôt. Les armes étant la propriété des U.S.A. il était accompagné de soldats américains. Il avait la particulariré de posséder 3 camions Berliet GBU 15 qui n'étaient pas en dotation courante dans l'armée française. Un seul camion portait une tête les deux autres étaient utilisés en cas de panne et permettaient pour un agresseur éventuel de ne pas savoir où se trouvait la tête. (Agrandir l'image en cliquant dessus)

La destruction d'urgence: C'était un test, inventé par les américains, que devait passer la section sécurité-convoi de la BSS au cours des contrôles opérationnels. Cette opération paraît de nos jours fort surprenante quant à la réalisation. Elle consistait à neutraliser, en urgence, les têtes, soit par des tirs d'un fusil-mitrailleur sur le compteur à chiffres, soit par l'utilisation d'une charge creuse avec mise à feu par un dispositif pyrotechnique classique exploseur ou mèche lente.
Pour la destruction au F.M. le tir s'effectuait à une cinquantaine de mètres. La trappe du compteur à chiffre était repérée par un mouchoir blanc.
Pour l'autre procédé la charge creuse s'appelait M1A1 dans la nomenclature américaine. Elle était calée par des sacs de sable assurant également le bourrage de la charge.
La procédure normale se faisait par mise à feux électrique, celle de remplacement également testée était réalisée par mise à feu avec mèche lente et cordeau détonnant.
Évidemment pour les tests tout était fictif, seuls les gestes techniques étaient notés. Le seul composant réel était la mèche lente dont la durée de combustion était mesurée pour s'assurer que les artificiers auraient eu le temps de se mettre à l'abri.
On peut être étonné de la méthode qui consiste à faire exploser une charge creuse sur une demi tonne d'explosif, il est bien évident que la tête devait être détruite, mais parait-il que la charge creuse la perforait sans la faire exploser et sans dissiper la matière fissile dans la nature. Ne soyons pas plus royaliste que le roi.
Regrettons de ne pas connaître un témoin qui aurait vu cette destruction en vrai grandeur, mais ils doivent être fort rares.

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